Atelier: Façonner le raisonnement clinique
Unité 3

Les modèles au cours du temps
Unité 3.1 : Le modèle de la reconnaissance de schèmes

Objectif spécifique

  • Raisonner à l'aide du modèle de la reconnaissance de schèmes.

1. Le raisonnement clinique évolue à travers les modèles

Dans les prochaines sections, nous allons expliquer quelques types de raisonnement et présenter certains modèles de raisonnement clinique. Les écrits affirment que les superviseurs devraient développer le raisonnement clinique de leur stagiaire selon différents modèles pour lui permettre d'être efficace dans divers contextes cliniques (Eva, 2004).

On remarque des différences dans le processus de pensée entre les diverses professions de même qu'entre les cliniciens d'expérience et les novices. Plusieurs modèles ont été proposés pour expliquer le raisonnement clinique. Le modèle de raisonnement hypothético-déductif est connu de longue date. D'autres, comme celui de la reconnaissance de schèmes ou de l'intégration des connaissances, ont aussi leur place (Higgs et al., 2008). Chacun de ces modèles implique l'utilisation de différents types de raisonnement. Les cliniciens utiliseraient plusieurs types de raisonnement qui se chevauchent (Higgs et al., 2008) selon leur expérience et selon la situation.

La première partie de l'animation suivante s'appuie sur les principes de base du raisonnement clinique. La seconde partie illustre les différents modèles de raisonnement qui feront l'objet des prochaines sections de cet atelier.

Consultez la version imprimable de l'animation : Un survol des concepts étudiés et des modèles de raisonnement (.pdf, 79 Ko).

2. Activité : Que se passe-t-il avec Élodie?

Je vous invite à écouter la conversation de Dominique et Diane et à répondre aux questions dans les boites de texte qui suivent :

Mise en situation

Consultez le verbatim de cette capsule vidéo : Que se passe-t-il avec Élodie? (.pdf, 61 Ko).

Questions

3. Est-ce que vous avez mis du temps à prendre position?


3. La démarche inductive

Consulter maintenant notre rétroaction au sujet du problème d'Élodie.

A. Êtes-vous arrivé à une certitude?

Si une conclusion (grossesse, trouble alimentaire) s'est imposée à vous, vous avez sans aucun doute adopté un type de raisonnement clinique selon la reconnaissance de schèmes. En effet, aucune analyse n'a été nécessaire. Les faits se sont « additionnés » dans votre esprit pour prendre position rapidement.

B. Est-ce qu'aucune condition en particulier ne s'est imposée à vous?

Si aucune conclusion (état de santé) en particulier ne s'est imposée à vous et si vous avez senti le besoin d'en savoir davantage sur l'une ou plusieurs des observations qui vous ont été présentées, vous étiez alors dans l'impossibilité de prendre une décision selon un mode intuitif. Cette situation clinique était probablement peu commune pour vous et représentait un cas complexe. Vous vous êtes alors engagés dans un processus analytique plus ou moins exhaustif selon votre niveau d'expérience. Vous avez utilisé le modèle hypothético-déductif que nous verrons dans l'unité suivante.

Toutes les situations cliniques ne nécessitent pas un raisonnement analytique, couteux en temps et en énergie (Charlin, cité par Garnier, 2010). Le modèle de raisonnement non analytique permet d'évaluer les similitudes entre de nouveaux cas cliniques et ceux déjà emmagasinés dans votre mémoire. En visionnant la capsule vidéo, la plupart d'entre vous avez catégorisé automatiquement les informations pour arriver rapidement à une solution (avec un haut degré de certitude) ou à un diagnostic (Nendaz et al., 2005). Vous avez alors fait une démarche inductive (Pottier et Planchon, 2011) qui va du particulier (ensemble de données) au général (l'état de santé du patient) (Fortin, Côté et Fillion, 2006).

Le raisonnement non analytique exige une vision large de la situation. Dans de tels cas, le clinicien fait des liens directs avec des représentations conservées dans sa mémoire (images, cas). Cela exige une mémoire clinique regroupant une grande banque de connaissances. Le clinicien tient compte des nouvelles données à la lumière de toutes ses connaissances et de ses expériences antérieures selon un processus exhaustif. Sans proposer d'hypothèses, il arrive rapidement à une solution (il pose un diagnostic ou il intervient), car il a déjà vu de multiples patients présentant une condition similaire.

4. Conditions relatives au modèle de la reconnaissance de schèmes

Ce mode de raisonnement non analytique ne peut s'appliquer dans toutes les situations et ne peut être utilisé par tous les cliniciens. En vous référant à votre processus de raisonnement devant le cas d'Élodie, quelles sont, à votre avis, les conditions qui se prêtent à l'utilisation du modèle de reconnaissance des schèmes parmi celles qui sont présentées ci-dessous?

En résumé, si vous avez été capable d'utiliser le modèle de reconnaissance de schèmes dans le cas d'Élodie, c'est que les conditions se prêtaient bien à ce type de raisonnement.

Parce qu'il repose sur un raisonnement inductif, le modèle de reconnaissance de schèmes est utilisé par les cliniciens expérimentés qui ont une vaste base de connaissances et qui savent recueillir les informations pertinentes auprès du patient. Ce modèle de raisonnement intuitif est utilisé pour les cas simples ou lors de situations familières, la familiarité venant avec l'expérience clinique. Ce modèle est un processus automatique qui consiste à éliminer plus vite les données non pertinentes pour arriver à la solution. Cet automatisme s'observe chez les professionnels d'expérience et les experts (Norman, 2005). Le clinicien démontre une confiance intuitive, en saisissant immédiatement la situation comme un tout, indépendante d'un processus de pensée linéaire, et en se faisant rapidement un « portrait clinique » en raison des nombreuses situations cliniques déjà vues (Rew, cité par Unsworth, 2011). Ce modèle n'est donc pas utilisé facilement chez les stagiaires novices.

Consultez la version imprimable : Le modèle de reconnaissance de schèmes (.pdf, 61 Ko).

5. Comment façonner le raisonnement inductif (non analytique) du stagiaire?

Maintenant qu'à titre de clinicien vous comprenez mieux votre processus de raisonnement clinique, vous pouvez à titre de superviseur mieux encadrer celui du stagiaire selon différents modèles. Vous avez vu à la première unité de cet atelier que le questionnement est un outil puissant pour façonner le raisonnement clinique de vos stagiaires. Pour améliorer leur raisonnement clinique intuitif, il faut d'abord vous rappeler que le modèle de reconnaissance de schèmes s'utilise avec des stagiaires plus avancés, qui ont un bon bagage de connaissances.

Activité : Adapter « l'Art du questionnement » au raisonnement inductif

Quelles questions poseriez-vous à votre stagiaire pour qu'il utilise un raisonnement intuitif? Inscrivez vos questions dans les cases qui suivent et consultez nos suggestions.

Consultez nos réponses

BD d'une superviseure qui parle à sa stagiaire et demande trois question: 1. Peux-tu justifier ta position?, 2. Est-ce un cas relativement simple pour toi?, et 3. As-tu déjà vu de tels cas?

Questions à poser :

  1. Peux-tu justifier ta position?
  2. Est-ce un cas relativement simple pour toi?
  3. As-tu déjà vu de tels cas?

Par ces questions, le superviseur encourage le stagiaire à chercher dans ses expériences cliniques passées, des similitudes ou des différences signifiantes, tout en stimulant sa confiance à émettre une première opinion (Higgs et al., 2008 ; Nendaz et al. 2005). Il fait aussi appel aux trois composantes du raisonnement clinique : connaissances, cognition et métacognition.

Le superviseur favorise chez le stagiaire une image globale de la situation, à l'aide d'une série de questions qui visent la familiarité avec des cas semblables et qui l'encouragent à prendre une décision intuitivement lors de cas simple. Voici une liste de questions plus exhaustives favorisant un processus non analytique caractéristique du modèle de la reconnaissance de schèmes.

  • As-tu déjà vu des patients qui présentaient des signes, des symptômes ou des comportements semblables?
  • Quelles données pertinentes retiens-tu à la suite des informations que tu as recueillies auprès du patient?
  • Quelles sont les similarités et les différences entre les situations cliniques déjà vues?
  • Pourquoi as-tu agi différemment même si les cas étaient semblables?
  • D'après les données cliniques que tu as recueillies, quelle est ton impression clinique?
  • Quelles connaissances et expériences antérieures peux-tu utiliser pour résoudre la situation actuelle?
  • En comparant les données que tu connais, est-ce qu'une conclusion (état de santé) s'impose?
  • Était-ce une situation clinique typique dans ton champ de pratique?

Consultez la version imprimable Développement du raisonnement clinique selon le modèle de reconnaissance de schèmes (.pdf, 69 Ko).