Les modèles au cours du temps
Unité 3.2 : Le processus de pensée analytique
Objectifs spécifiques
- Raisonner selon le modèle de raisonnement hypothético-déductif.
- Façonner chez le stagiaire, un processus de raisonnement clinique analytique.
Les situations cliniques sont souvent complexes et ne se prêtent guère à l'adoption du modèle que nous venons de voir, soit celui de la reconnaissance de schèmes. Une situation clinique complexe demande aux professionnels d'analyser toutes les données qui leur sont accessibles, et la réponse ne se trouve pas aussi rapidement.
Cette fois-ci, allons au chevet de madame Lalonde et tentons de découvrir sa condition.
Quel serait, selon vous, le problème de madame Lalonde?
1. Qu'en pensez-vous, mon cher Watson?
Visionnez cette vidéo et analysez les données de sorte à nommer le problème et à en arriver à prendre une décision clinique.
Consultez le verbatim de cette capsule vidéo : Le cas de madame Lalonde (.pdf, 68 Ko).
Activité : Quel est le problème de madame Lalonde?
Habituellement, pour ce type de cas plus complexe, la solution ne s'impose pas d'elle-même. La situation nous amène à considérer quelques possibilités. Plusieurs hypothèses émergent. Ce processus prend du temps et exige de la recherche de données supplémentaires. À la lumière des nouvelles informations qui seront recueillies, les possibilités peuvent être confirmées ou infirmées. Dans la capsule vidéo, la stagiaire a donc utilisé un processus de raisonnement analytique. Voyons ce que cela signifie.
2. Le modèle hypothético-déductif
Le modèle hypothético-déductif prend racine dans le monde médical et repose sur la méthode scientifique. Reconnu depuis les origines de la médecine, il consiste en un processus analytique, réflexif et conscient qui utilise les démarches abductive et déductive. Toujours populaire, il prend plus de temps et est indissociable de la résolution de cas complexes (Higgs et al., 2008 ; Elstein, Shulman et Sprafka, cités par Edwards et Richardson 2008). Il est souvent utilisé par des professionnels qui ont moins d'expérience (Edwards, Jones, Carr, Braunack-Mayer et Jensen, 2004).
Je vous invite maintenant à consulter l'animation suivante afin d'en connaitre davantage sur le sujet.
Consultez la version imprimable de l'animation : Modèle hypothético déductif (.pdf, 114 Ko).
3. Comment façonner le raisonnement clinique du stagiaire selon une démarche analytique?
Maintenant qu'à titre de clinicien vous pouvez différencier un processus de raisonnement clinique analytique d'un processus non analytique, vous pouvez, à titre de superviseur, introduire cette distinction chez votre stagiaire et ainsi lui permettre de mieux comprendre son propre processus de raisonnement clinique.
Le questionnement demeure encore un outil puissant pour façonner le raisonnement clinique de votre stagiaire, mais il doit être adapté aux caractéristiques du raisonnement hypothético-déductif. Il faut rappeler que ce modèle est essentiel à la résolution de cas cliniques complexes. Notez que cette stratégie de questionnement est utile et efficace, tant pour le stagiaire novice que pour le stagiaire plus expérimenté. Cependant, on l'utilise davantage avec les stagiaires novices.
Activité : Adapter « l'Art du questionnement » au raisonnement analytique
Quelles questions suggérez-vous de poser au stagiaire pour qu'il utilise un raisonnement hypothético-déductif? Inscrivez vos questions dans les cases qui suivent et consultez nos suggestions de réponses.
Consultez nos réponses
Questions à poser :
- Connais-tu les complications de ce type de fracture?
- Laquelle te semble la plus plausible?
- As-tu pensé à quelques hypothèses?
Avant de poser des questions, le superviseur doit d'abord évaluer et élargir les connaissances théoriques du stagiaire. Ensuite, il pourra l'amener à émettre des hypothèses plausibles, à comparer les données et à les prioriser selon la pertinence des données connues. Il est important de le soutenir dans ses décisions/actions, même si nous croyons que d'autres actions pourraient être plus efficaces. Il ne faut pas oublier de l'encourager à revoir le cas en fonction des nouvelles données. Voici d'autres exemples de questions qui aident le stagiaire à utiliser ce type de modèle :
- D'après les données recueillies auprès du patient, quelles sont les hypothèses qui pourraient expliquer son problème/sa situation?
- Quelle hypothèse est la plus plausible (laquelle doit être vérifiée en premier lieu)?
- Sur quels éléments t'appuies-tu pour accepter ou rejeter ta première hypothèse?
- As-tu besoin de vérifier une deuxième hypothèse? Si oui, laquelle et pourquoi?
- As-tu besoin d'aller chercher des données supplémentaires pour générer d'autres hypothèses/solutions?
Hypothético-déductif
Raisonnement abductifRéfléchir à émettre les hypothèses possibles. |
Raisonnement déductifÉvaluer les hypothèses et les éliminer par déduction. Cela permet d'aller chercher les données nécessaires pour mieux évaluer les hypothèses. |
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(Elstein et Schwarz, 2002 ; May, Greasley, Reeve et Withers, 2008 ; Pelaccia et al., 2011)
4. Rendre le stagiaire autonome grâce au SNAPPS
Le SNAPPS est une stratégie qui permet aux stagiaires de devenir plus autonomes et plus engagés dans le développement de leur raisonnement clinique. Plus précisément, ils sont invités à adopter une stratégie d'auto-questionnement structurée leur permettant de façonner leur raisonnement clinique selon un processus hypothético-déductif. Lorsqu'ils maitrisent cette stratégie, ils initient plus souvent la discussion, ils font une synthèse plus concise, ils présentent plus d'éléments pour comparer les hypothèses et ils posent plus de questions (Wolpaw, Papp et Bordage, 2009).
De leur côté, les superviseurs reconnaissent la valeur de cette méthode, car ils observent que les questions des stagiaires sont plus pertinentes au cas. Notez que cette stratégie ne fait pas gagner de temps, mais elle permet au stagiaire d'être plus structuré dans sa démarche.
Le stagiaire doit :
- S – Synthétiser brièvement l'histoire et les données (évaluation subjective et objective) en une présentation d'une durée de moins de trois minutes. Le stagiaire doit faire ressortir les informations clés/pertinentes sur l'état du patient.
- N – Nommer deux ou trois hypothèses pertinentes liées à la problématique. Le stagiaire verbalise sa compréhension du cas en présentant les hypothèses les plus plausibles et en les priorisant.
- A – Analyser la solution possible en comparant ou contrastant les données. Le stagiaire justifie son choix d'hypothèses en fonction des données et de ses connaissances. Ainsi, il expose son processus de pensée.
- P – Poser des questions au superviseur. Le stagiaire initie l'interaction avec le superviseur quant aux défis auxquels il fait face (manque de connaissances, confusion au sujet d'une donnée spécifique…). Il pose des questions pour améliorer sa compréhension du cas clinique à l'étude.
- P – Proposer un plan d'intervention. Le stagiaire précise les interventions spécifiques qui lui semblent logiques à partir de l'information obtenue lors de son évaluation initiale.
- S – Sélectionner un sujet d'autoapprentissage. Le stagiaire est responsable de combler ses lacunes et d'y pallier par divers moyens. Il cerne les difficultés qu'il éprouve dans son processus de raisonnement clinique. Le superviseur peut faire des suggestions pour aider le stagiaire dans sa démarche.
Consultez la version imprimable : Le modèle SNAPPS (.pdf, 74 Ko).
Veuillez maintenant visionner la capsule vidéo suivante pour savoir comment le superviseur peut aider une stagiaire à être autonome en utilisant le modèle SNAPPS.
Consultez la version imprimable de la capsule vidéo : L'utilisation du SNAPPS (.pdf, 77 Ko).
5. Encadrer le stagiaire par « la minute du superviseur »
Cette deuxième stratégie permet aussi de développer le raisonnement clinique du stagiaire selon un modèle hypothético-déductif. Le superviseur prend quelques minutes pour poser une série de questions au stagiaire selon six étapes. Chacune de ces étapes tient un rôle déterminant dans le développement du raisonnement clinique du stagiaire et doit être présentée à chaque entretien. Les deux premières étapes engagent le stagiaire dans le processus d'apprentissage du raisonnement clinique. Les trois dernières étapes permettent au superviseur de donner de la rétroaction sur la démarche analytique que lui a présentée le stagiaire et offre des pistes de solution (Belleflamme, Bouloffe, Gérard, De Cannière et Vanpee, 2009).
Cliquez sur chacune des étapes de « La minute du superviseur » pour en savoir davantage. Vous y trouverez également l'objectif ainsi qu'une recommandation pour optimiser le développement du raisonnement clinique.
1. Demander au stagiaire de prendre position
À la suite d'une rencontre avec le patient, le superviseur demande au stagiaire de se prononcer sur les hypothèses expliquant la situation ou sur un plan d'intervention. Ces questions ouvertes exigent du stagiaire qu'il se positionne sur l'état du patient. Cela renforce son engagement et son sens de responsabilité vis-à-vis celui-ci. Le superviseur devrait poser une ou deux questions d'ordre général, mais ne devrait pas diriger le stagiaire par des questions trop spécifiques.
2. Demander au stagiaire d'argumenter sa position
À cette étape, le stagiaire justifie son choix en nommant les éléments qui soutiennent ses hypothèses, ce qui permet au superviseur d'être témoin de sa démarche. Ce dernier peut repérer les forces et les erreurs du raisonnement du stagiaire. À cette étape, il peut poser des questions pour diriger la discussion : « Quels éléments as-tu considérés pour prioriser cette hypothèse? Y a-t-il d'autres possibilités que tu pourrais évoquer? » Le superviseur s'abstient d'approuver le choix, et s'intéresse davantage à la présentation de la démarche de raisonnement clinique.
3. Reconnaitre ce qui a été bien fait
Le superviseur donne de la rétroaction constructive au stagiaire pour renforcer les apprentissages. Il consolide les forces du stagiaire. Il souligne ce qui a été bien fait dans les étapes précédentes en relevant des faits précis.
4. Corriger les erreurs ou proposer d'autres solutions
Le superviseur encourage le stagiaire à faire une autoévaluation de son rendement et l'invite à suggérer des solutions pour améliorer ses réflexions. Il peut également cibler les difficultés et peut suggérer des façons d'améliorer le raisonnement.
5. Enseigner un principe général à retenir
Le superviseur profite de la discussion pour passer un message clé touchant une notion généralisable à des situations ultérieures, tel que : « Il est important de faire des liens entre les différents éléments pour comprendre le patient dans sa globalité » (commentaire qui se situe au niveau de la cognition).
6. Préciser le suivi
Audétat et Laurin (2010a) suggèrent au superviseur de conclure « la minute du superviseur » en précisant clairement au stagiaire ses attentes concernant la prise en charge du patient.
La stratégie de « la minute du superviseur » est appréciée des superviseurs comme des stagiaires. Elle offre un apprentissage actif centré sur le stagiaire et peut être facilement utilisée par le superviseur qui travaille dans un contexte clinique où le temps d'encadrement est limité, puisque sa mise en pratique dépasse rarement la minute (Belleflamme et al., 2009).
(Audétat et Laurin, 2010a ; Belleflamme et al., 2009 ; Chacko, Aagard et Irby, 2007 ; Wolpaw et al., 2009)
Consultez la version imprimable : La minute du superviseur (.pdf, 79 Ko).