Atelier: Façonner le raisonnement clinique
Unité 1

Le raisonnement clinique, vous connaissez?
Unité 1.1 – Définir le raisonnement clinique

Objectif spécifique

  • Décrire les caractéristiques du processus de raisonnement clinique.

1. Au fil du temps

Plusieurs chercheurs tentent de comprendre le processus du raisonnement clinique pour mieux l'enseigner et l'évaluer. La recherche sur ce sujet a évolué en trois phases principales déterminant la manière dont le raisonnement clinique a été compris. La première phase de recherche se concentre sur l'approche psychométrique du raisonnement, c'est-à-dire sur les outils pour l'évaluer. La seconde s'oriente davantage vers l'analyse des étapes du processus de déduction, en fonction des connaissances antérieures servant à formuler une hypothèse sur la nature d'un problème. La dernière phase s'intéresse au rôle de l'expérience clinique et à l'influence du raisonnement dans le choix des interventions auprès des patients (Hendrick, Bond, Duncan et Hale, 2009). Notre compréhension actuelle du raisonnement clinique découle donc de ces trois phases.

Depuis les 20 dernières années, ce thème gagne en importance et plusieurs chercheurs s'intéressent à mieux saisir la façon de le développer parce que :

  • Les cliniciens doivent plus que jamais rendre compte de leurs actions (Ajjawi et Higgs, 2008).
  • Les demandes accrues du système de santé obligent les cliniciens à travailler de façon autonome (à résoudre seuls des problèmes).
  • Les décisions sont prises de plus en plus rapidement dans les milieux où les ressources diminuent.

2. Activité : À la découverte de la définition du raisonnement clinique

Le raisonnement clinique est la faculté d'établir des liens entre les éléments recueillis, soit à partir d'un examen physique ou d'une écoute active ou encore, à partir des signes, des symptômes et des connaissances antérieures de l'intervenant. Les liens établis permettent de cerner le problème du patient (Marchal et Psiuk, cités par Belpaume, 2009).

Les chercheurs rapportent que les professionnels de la santé de niveau expert ont de la difficulté à se remémorer leurs processus cognitifs précédant une prise de décision. Plus précisément, ils peinent à expliquer comment ils arrivent à générer des solutions aux situations auxquelles ils sont confrontés dans leur travail (Audétat et Laurin, 2010b). Le fait que le raisonnement clinique soit ancré dans le professionnel expert témoigne souvent d'une grande expertise.

Néanmoins, ce processus, bien souvent automatique et inconscient chez les cliniciens d'expérience, doit se développer chez les stagiaires. Afin de développer cette aptitude, la première étape pour le superviseur consiste à prendre conscience de son propre processus de raisonnement clinique (Pottier et Planchon, 2011).

Nous vous invitons à commencer une réflexion sur le sujet en écrivant votre définition du raisonnement clinique dans la boîte de texte ci-dessous.

Si vous désirez conserver votre réponse, veuillez la copier et la coller dans le système de traitement de texte de votre choix (Word, Open Office Writer, etc.).

Découvrez maintenant notre définition du raisonnement clinique à l'aide de cette dictée trouée :

3. Activité : Répercussions d'un manque de raisonnement clinique

BD d'un stagiaire qui démontre un manque de raisonnement clinique en demandant au patient: "Hé bien, Martin, vous êtes ici pour votre examen annuel?" alors que celui-ci a clairement une plaie.

On dit souvent qu'un stagiaire problématique manque de raisonnement clinique.

Que se passe-t-il lorsqu'un stagiaire manque de raisonnement clinique? Inspirez-vous de cette phrase : Sans raisonnement clinique, le stagiaire est une personne qui...

4. Automatique le raisonnement?

Nous sommes portés à croire que le raisonnement clinique est toujours automatique. Toutefois, les écrits nous apprennent qu'il n'en est rien. Le stagiaire doit développer son raisonnement clinique et certains éléments peuvent faciliter cet apprentissage.

Comment peut-on définir et favoriser le raisonnement? Découvrez d'abord les principales caractéristiques du processus cognitif à l'aide des illustrations suivantes.

Le processus cognitif est un processus non observable.

Il s'agit d'un processus interne dont on ne perçoit que les conséquences (les résultats). Afin de mieux le saisir, le stagiaire et le superviseur doivent le verbaliser.

BD d'un stagiaire qui examine à la loupe la tête pleine d'idées du superviseur.

Le processus cognitif devient parfois automatique et inconscient.

Le stagiaire est plus conscient de sa façon de penser (autoréflexion) que le clinicien d'expérience pour qui ce processus devient de plus en plus automatique. Plus le stagiaire y réfléchit, plus il y a possibilité de développer le raisonnement clinique (Ajjawi et Higgs, 2008). Pour s'améliorer, le raisonnement cognitif gagne à être rendu conscient lors du processus d'apprentissage pratique. Hendrick et al. (2009) ajoutent que le stagiaire doit comprendre les concepts liés au raisonnement clinique et que la tâche du superviseur est de lui expliquer ses attentes en ce qui a trait à ce dernier.

BD d'un superviseur qui pense aux symptômes du patient de manière cohérente, ce qui l'amène à une conclusion. Pendant ce temps, le stagiaire pense aux mêmes facteurs mais n'arrive pas à la même conclusion, comme il ne met pas l'importance sur les mêmes symptômes ni d'ordre préci.

Le processus cognitif est multifactoriel.

La possibilité de façonner le raisonnement clinique du stagiaire dépend de plusieurs facteurs. Entre autres, la disposition du stagiaire à apprendre, la complexité des cas présentés, les connaissances acquises, etc.

BD Le superviseur parle d'un cas à son stagiaire. Le superviseur pense à la piste de solution, pendant que le stagiaire, lui, pense plutôt au repas qu'il va préparer à sa blonde ce soir-là.

Le processus cognitif se développe mieux en communauté de pratique.

Le raisonnement ne s'apprend pas de manière isolée (Ajjawi et Higgs, 2008). Lorsque les stagiaires interagissent, commentent et critiquent le raisonnement clinique des pairs, le développement de leur propre raisonnement clinique est hautement favorisé.

BD de trois stagiaires en train de discuté un cas. Ils pensent tous à des facteurs et symptômes différents, qui les amènes à des conclusions très différentes.

Le processus cognitif s'améliore en situations réelles.

Le raisonnement clinique s'apprend mieux par des expériences pratiques que par des histoires de cas ou des lectures. Les situations réelles favorisent les échanges et une compréhension plus globale des circonstances, ajoutant des données qui ne seraient pas accessibles autrement.

BD d'une stagiaire regarde le dossier de son patient et voit que celui-ci a une jambe cassée. Elle se dit qu'il aura besoin de béquilles. Par contre, quand elle va voir le patient en persone, elle se personne, elle se rend compte qu'il a également un bras cassé, alors il lui faudra plutôt une chaise roulante.

Le processus cognitif se développe lors de situations complexes.

Les situations complexes intensifient la démarche, car il y a plus de données à considérer et plus de liens à faire (Vanpee, Gillet et Godin, 2002). La complexité du cas force le professionnel à considérer plusieurs données et à prendre plus de temps pour les interpréter.

BD de deux cases où un stagiaire apperçoit le même problème chez deux patients différents. Dans le premier cas, le patient est en homme qui a l'air en santé. Le stagiaire réfléchi et essaye de l'aider. Dans le deuxième cas, par contre, le patient est obèse, et le stagiaire réfléchi plus fortement à la cause du problème, voyant plus de facteurs possibles.

(Ajjawi et Higgs, 2008 ; Hendrick et al., 2009)

5. Pour raisonner, il faut être disposé

Il est utile que le superviseur adopte des stratégies pour façonner le raisonnement clinique du stagiaire. Pour que celles-ci soient efficaces, nous venons de voir que le stagiaire doit être disposé à améliorer son processus de pensée. Voici les dispositions favorisant le développement du raisonnement clinique :

Dispositions favorisant le développement du raisonnement clinique

  1. L'ouverture : le stagiaire doit être à l'écoute et tolérant envers les idées des autres et les différents points de vue afin de mieux analyser une situation clinique.
  2. La maturité intellectuelle : le stagiaire reconnait que plusieurs solutions puissent être possibles. Cette disposition permet de faire preuve de prudence dans son jugement.
  3. La confiance : le stagiaire a confiance en ses capacités de bien raisonner (d'avoir de la logique).
  4. La curiosité intellectuelle : le stagiaire a soif d'acquérir de nouvelles connaissances, et ce, même quand l'application des connaissances ne semble pas immédiatement apparente.
  5. Le désir de connaitre la vérité : le stagiaire est capable d'être objectif dans son autoévaluation et de faire preuve d'ouverture sur de nouvelles connaissances, même si elles vont à l'encontre de ses croyances.
  6. La logique : le stagiaire est en mesure d'analyser des faits ou une situation complexe en faisant les liens entre les données disponibles (principes/théorie). Cette disposition permet de poser un regard sur les conséquences de ses actions.
  7. Le sens de l'organisation : le stagiaire a la capacité de structurer sa pensée en utilisant une méthode systématique pour examiner la situation clinique, le problème.

(Alfaro-Lefevre, 2012; Potter et Perry, 2010)

Consultez la version imprimable : Dispositions favorisant le développement du raisonnement clinique (.pdf, 64 Ko).