Orientation à l’unité 1

Dans cette unité, vous vous familiariserez avec les changements qui ont mené à la nécessité d’adopter la collaboration interprofessionnelle (CIP) dans le domaine de la santé et des services sociaux. Vous verrez également les concepts clés qui caractérisent cette approche ainsi que les avantages de l’intégrer en tenant compte du contexte et des processus établis au sein des équipes.

La CIP : maintenant un enjeu prioritaire en santé et services sociaux

Il est vrai que diverses expressions sont parfois employées par les chercheurs et les praticiens pour décrire la collaboration entre divers professionnels, notamment :

Cependant, la collaboration interprofessionnelle (CIP) est l’expression qui semble avoir fait consensus dans les écrits et elle sera employée dans cet atelier.

Depuis environ 15 ans, les organismes d’agrément académiques et de santé ainsi que les ordres professionnels reconnaissent que la CIP est une compétence qui doit être développée chez les étudiants et les professionnels. En 2010, le comité d’agrément de la formation interprofessionnelle en sciences de la santé (AFISS), constitué alors de huit organismes d’agrément canadiens (représentant six professions), renforçait déjà la nécessité de former les futurs professionnels à l’approche de la CIP à l’intérieur du curriculum académique.

Ce changement suivait également les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé qui précisait alors que le travail d’équipe devait devenir le standard et que les professionnels de divers domaines devaient apprendre à collaborer efficacement les uns avec les autres.

Depuis, de plus en plus de professionnels sont encouragés à travailler ensemble dans les établissements de soins, et ce, dans différents secteurs de la santé.

Il semble bien établi que la CIP soit l’approche à adopter pour répondre aux nouvelles exigences en matière de santé.

Plusieurs changements ont amené les acteurs de la santé à préconiser cette approche :

info_outline Consigne : appuyez sur les boutons pour naviguer d’un changement à l’autre.

La collaboration est donc une compétence essentielle du 21e siècle.

UNESCO, cité dans Raynault, 2018

La CIP en mots clés!

Définition de D’Amour et
d’Oandasan (2005)

Un processus par lequel les professionnels s’entendent sur des modalités de collaboration pour répondre de façon intégrée, coordonnée et cohérente aux besoins de la personne et de ses proches.

Définition OMS
(2010)

La pratique collaborative interprofessionnelle est présente quand plusieurs travailleurs de la santé de différentes professions travaillent ensemble avec les patients, les familles, les proches aidants et la communauté pour offrir la meilleure qualité de soins.

Par la suite, de nombreux auteurs ont tenté de bonifier ces définitions. À travers les écrits, plusieurs éléments communs peuvent être regroupés pour tenter de mieux comprendre le sens de la CIP.


info_outline Consigne : cliquez sur le symbole pour afficher ces éléments regroupés selon quatre catégories.

La CIP engage QUI?

  • Les professionnels au sens large
  • Les professionnels de différentes professions et disciplines
  • Les patients, la famille, la communauté, etc.

La CIP se manifeste de quelle façon?

Des professionnels qui :

  • Créent un partenariat avec les patients et s’assurent de leur engagement
  • Démontrent de l’ouverture et de la disponibilité
  • Travaillent et planifient ensemble en incluant la personne à toutes les étapes du processus d’intervention
  • Communiquent entre eux pour les soins et services d’un patient
  • Mettent en commun leurs expertises et leurs connaissances
  • Proviennent de diverses organisations ou de différents secteurs de la santé

La CIP exige quelles attitudes (savoir-être)?

  • Intérêt pour l’autre (élément clé également)
  • Intelligence émotionnelle
  • Souplesse : être en mesure d’intégrer les idées des autres, de s’adapter aux différents collègues
  • Communication efficace, écoute des autres, connaissance de soi-même, ouverture aux idées des autres
  • Bienveillance, respect
  • Volonté de collaborer : selon Kosmerelli et al., cités dans Staffoni et al., 2019, il s’agit du facteur le plus important
  • La confiance du professionnel en ses propres compétences, mais aussi la confiance que ce dernier sera en mesure d’accorder aux membres de l’équipe et en leur contribution
  • Croyance en la valeur de la CIP

La CIP vise quoi?

  • Avoir recours à la complémentarité de l’expertise pour offrir une meilleure réponse aux besoins de la personne
  • Éviter le chevauchement des interventions, assurer la cohérence et la continuité des soins et services de façon optimale
  • Prendre des décisions concertées
  • Offrir une meilleure qualité de soins et de services

Références

Question de réflexion


  1. En début d’atelier (dans la réflexion pré-atelier) vous avez défini la CIP (voir votre définition initiale dans la case ci-dessous).
  2. Après avoir lu cette section d’introduction à la CIP, ajoutez les éléments qui complètent au besoin votre définition initiale.

Les avantages de la CIP mis en contexte

De plus en plus d’études font foi des effets positifs de la CIP chez les patients. En effet, plusieurs études rapportent que la CIP contribue à améliorer la qualité des soins et services qui leur sont offerts. Néanmoins, les données sont parfois inconstantes et les preuves insuffisantes pour clairement affirmer que la CIP améliore les résultats. Les résultats varient entre autres en fonction des milieux, du type de travail d’équipe (multi, inter, trans) et des types d’intervention. Il est donc difficile de tirer des conclusions claires, car les analyses quantitatives s’appuient sur des données hétérogènes.

Cette grande disparité dans les données démontre en fait que les avantages de la CIP dépendent du contexte dans lequel les soins sont offerts et du processus de fonctionnement de l’équipe, qui est influencé par le contexte.

Le schéma qui suit (modèle input-process-output = modèle IPO), d’abord initié par McGrath en 1964, a été repris et adapté par de nombreux auteurs. Le modèle IPO explique comment les éléments du contexte peuvent influencer la qualité des soins à travers les éléments du processus. Voyons ce que cela signifie :

Plusieurs éléments de ce modèle sont interreliés et les avantages de la CIP dépendent de cette interaction.

Références

Par exemple, la cohésion (PROCESSUS de fonctionnement) de l’équipe peut dépendre de :

  • La culture du milieu (CONTEXTE)
  • L’attitude des membres de l’équipe (CONTEXTE)
  • La perception de la distance hiérarchique (PROCESSUS de fonctionnement) : c’est-à-dire le sentiment d’intimidation perçu par les membres qui peut résulter en une réduction de leur participation aux échanges
  • La sécurité psychologique (PROCESSUS de fonctionnement) : c’est à dire de la possibilité de s’exprimer sans crainte de conséquences négatives. Cet élément est influencé positivement à son tour par la stabilité de l’équipe (PROCESSUS de fonctionnement)

La cohésion (PROCESSUS de fonctionnement) est reconnue comme l’un des prédicteurs importants de l’efficacité de l’équipe et influence donc à son tour les résultats de la CIP.

Quand les éléments du contexte et du processus sont optimaux pour la situation de soins, les résultats positifs suivants de la CIP peuvent être observés.

Pour les patients

assignment Activité — La CIP : tout le monde y gagne!

info_outline Consignes :

  1. Lisez les impacts positifs de la CIP pour les patients.
  2. Écrivez les impacts positifs de la CIP sur l’équipe et le système de santé dans les deux colonnes ci-dessous.
  3. Comparez vos réponses à celles proposées.
Un homme alité tout heureux avec les professionnels autour qui font chacun une intervention.

Avantages
pour les patients

  • Améliore la sécurité des patients
  • Diminue le taux de mortalité
  • Améliore les résultats de soins, la qualité des soins
  • Accroît la satisfaction des patients

Avantages
pour l’équipe

Avantages pour les soins et le système de santé

Comparez vos réponses à celles-ci-dessous

Pour l’équipe

Des professionnels qui se tapent les mains amicalement
  • Accroît la satisfaction du personnel
  • Augmente l’engagement
  • Réduit l’épuisement professionnel
  • Augmente la productivité

Pour les soins et le système de santé

  • Améliore l’efficience
  • Diminue le temps d’hospitalisation, processus de congé plus efficace
  • Favorise une meilleure coordination des soins
  • Diminue le nombre d’erreurs
  • Diminue le nombre de réadmissions
  • Diminue le chevauchement des soins

Les hôpitaux qui rapportent une meilleure collaboration entre les infirmières et les médecins ont une réduction de 30 décès par jour.

Estabrooks et al., 2005, cités dans Dahlke et al., 2019

Téléchargez la version imprimable : Les avantages de la CIP (.pdf, 141 Ko).

Des défis qui persistent

Bien qu’il soit clair que la CIP soit maintenant l’approche à privilégier pour intervenir auprès de clientèles diversifiées ayant des problèmes de simples à complexes, plusieurs défis subsistent.

assignment Activité : Les défis de la CIP

info_outline Consignes :

  1. Visionnez la capsule vidéo suivante en cliquant sur le bouton. Une nouvelle fenêtre s’ouvrira.
  2. Pour fermer, cliquez sur la zone extérieure de la vidéo.
  3. Répondez aux questions suivant la vidéo.
  4. Consultez notre rétroaction.
Vidéo : Une rencontre expéditive

Transcription (.pdf, 106 Ko)

Lisez la rétroaction ci-dessous.

info_outline Consigne : cliquez sur les cercles pour découvrir quelques défis relevés dans les écrits.

Téléchargez la version imprimable : Les défis qui peuvent nuire à l’implantation et au maintien de la CIP (.pdf, 224 Ko).

La CIP : l’affaire de tous

Évidemment, la CIP ne peut s’actualiser que par l’engagement de l’équipe de soins et de services. Plusieurs autres parties qui n’offrent pas de soins directs ou indirects vont également être des facteurs déterminants dans sa mise en œuvre.

Santé Canada propose un modèle, soit la formation interprofessionnelle pour une pratique collaborative centrée sur le patient (FIPCCP) pour expliquer le rôle de chaque partie dans la réalisation de la CIP. Ce modèle tient en compte toutes les facettes de la réussite du changement vers une pratique interprofessionnelle centrée sur le patient. Les facteurs qui influencent les soins et services au patient se situent aussi à trois niveaux : micro, méso et macro.


info_outline Consigne : cliquez sur les symboles pour en savoir davantage sur les trois niveaux.

Consultez la version imprimable pour connaître ce modèle en détail (.pdf, 304 Ko) ou consultez l’image de ce modèle ci-dessous.

info_outline Consignes :

  1. Cliquez sur le symbole pour agrandir le modèle.
  2. Pour fermer, cliquez sur la zone extérieure de l’image.

Long Description – Le modèle FIPCCP

Le modèle de la formation interprofessionnelle pour une pratique collaborative centrée sur le patient, la FIPCCP est un cadre de fonctionnement souple qui met en lien plusieurs facteurs qui influent sur le travail en collaboration interprofessionnelle et les soins prodigués au patient.

Ces facteurs se situent dans deux domaines : la formation des professionnels de la santé et la dispensation des soins.

Les divers facteurs se situent à trois niveaux:

  1. Micro : ceux qui touchent de très près
  2. Méso : ceux qui touchent de plus loin
  3. Macro : ceux qui influencent de très loin

Ce modèle met en évidence l’interdépendance entre la formation des professionnels de la santé et la pra tique en collaboration interprofessionnelle. Cette perspective systémique inclut : le système d’éducation, le système professionnel, les politiques gouvernementales de tous les niveaux, ainsi que les valeurs sociales et culturelles des milieux de santé et services sociaux.

La formation interprofessionnelle comprend des facteurs qui permettent à l’apprenant de développer les compétences de la pratique en collaboration interprofessi onnelle centrée sur le patient.

On y trouve les facteurs de niveau micro, soit ceux qui sont liés à l’enseignement et ceux de niveau méso qui sont les facteurs institutionnels. Ces deux catégories de facteurs peuvent avoir une incidence sur la volonté des apprenants à collaborer avec d’autres professionnels. Ces facteurs peuvent aussi modifier les croyances et les attitudes professionnelles, c’est-à-dire l’image que l’apprenant se fait de la collaboration, ainsi que sa motivation à adopter des méthodes interprofessionnelles de formation et de pratique.

Au niveau micro, les facteurs liés à l’enseignement doivent inclure un enseignement planifié favorisant l’approche interprofessionnelle. Encore faut-il que le formateur développe des compétences clés en vue d’aider les apprenants à travailler en équipe. Il doit aussi prendre conscience des répercussions de ses pro pres croyances et attitudes sur sa façon d’enseigner.

Au niveau méso, les facteurs institutionnels indiquent que les établissements de santé doivent intégrer la FIPCCP à leur vision, puisqu’il faut mobiliser les acteurs pour un changement dans l’approche de soins. De plus, la direction est appelée à soutenir les leaders de la formation interprofessionnelle et s’assurer de fournir les ressources humaines et financières nécessaires pour appuyer les projets d’enseignement de la collabora tion interprofessionnelle.

Toujours au niveau méso, les processus administratifs doivent fournir un appui efficace aux projets de for mation interprofessionnelle, notamment les moyens d’implanter les projets et de respecter les échéanciers, ainsi que l’aide financière permettant de créer des programmes de formation interprofessionnelle.

Les résultats attendus de la formation constituent les compétences clés de la collaboration interprofession nelle. Il s’agit des savoirs essentiels en matière de connaissances, d’habiletés et d’attitudes interprofession nelles acquises par l’apprenant.

La pratique en collaboration centrée sur le patient (la PCCP)

Les chercheurs et les praticiens préfèrent maintenant : la collaboration interprofessionnelle centrée sur les be soins du patient.

Le patient est au coeur de la collaboration, puisqu’il est à la fois un membre actif de l’équipe de soins et le bé néficiaire des soins. Cette collaboration nécessite une interdépendance entre les professionnels, ainsi qu’une communication bidirectionnelle entre le patient et les professionnels de la santé. Les facteurs interactionnels sont de niveau micro. Ils influent sur la collaboration et sont de nature interactionnelle et les facteurs organ isationnels sont de niveau méso. Ces deux niveaux de facteurs sont influencés par la complexité de la tâche. En effet, la complexité peut moduler l’ensemble de la situation : l’expérience du patient et celle des professi onnels, en plus de dicter la composition de l’équipe et la nature de l’interdépendance entre les membres de l’équipe.

Au niveau micro, les facteurs interactionnels indiquent que la collaboration exige une vision commune et des objectifs communs de la part de l’équipe. Cependant, on doit s’attendre à ce que des intérêts différents entrent en jeu lors des interactions entre les professionnels de la santé. C’est pourquoi il est primordial pour les professionnels d’apprendre à se connaitre afin de développer une confiance mutuelle et un sentiment d’appartenance à l’équipe de soins. Ceci constitue la base de la collaboration interprofessionnelle.

La gouverne est un des facteurs organisationnels de niveau méso. Elle est fondamentale au travail en collab oration, car elle fait appel aux notions de leadership dans un contexte de collaboration interprofessionnelle centrée sur les besoins du patient. Par exemple, le leadership collectif et le leadership interprofessionnel.

La pratique en collaboration interprofessionnelle exige des règles et une structure pour l’équipe. Le milieu doit, notamment, se doter de protocoles de soins, d’ententes et de moyens de communication afin de pré ciser les attentes à l’égard de l’équipe et de redéfinir les frontières professionnelles.

Les facteurs des niveaux micro et méso de la collaboration interprofessionnelle sont interdépendants.

Facteurs macro

Le système d’éducation et le système professionnel, des facteurs de niveau macro, ont une influence directe sur la réglementation des professions et la détermination des fron tières professionnelles.

Les frontières professionnelles posent en effet un obstacle important à la collaboration interprofessionnelle dans les soins de santé parce qu’on les enseigne comme immuables.

Deux autres facteurs systémiques (de niveau macro) incluent les politiques gouvernementales et les valeurs sociales et culturelles. Conjointement avec la pression exercée par la société sur le système d’éducation et le système professionnel, les politiques gouvernementales peuvent stimuler les intervenants à s’ouvrir à de nouvelles façons d’exercer leur profession. Par conséquent, les frontières professionnelles deviennent plus souples.

La qualité de la collaboration interprofessionnelle se mesure par les résultats obtenus. Ceux-ci s’observent sur quatre plans :

  • Chez le patient par son bien-être et la qualité des soins reçus;
  • Chez les professionnels par leur satisfaction au travail et leur développement professionnel;
  • Dans l’établissement de soins par l’efficacité et la créativité accrues au sein de ses équipes;
  • Dans le système de santé par une réduction des coûts et la capacité de répondre aux besoins de sa clientèle.

La recherche

Ce schéma conceptuel repose sur la recherche qualitative et quantitative. La recherche permet d’établir une base de connaissances tant dans le milieu de l’enseignement que dans la pratique en collaboration interpro fessionnelle.

L’implantation et l’évolution de la FIPCCP reposent sur la collaboration entre les éducateurs, les chercheurs et les personnes responsables d’élaborer les politiques.

Le Réseau de collaboration sur les pratiques interprofessionnelles en santé et services sociaux (RCPI) a ensuite adapté le modèle proposé par Careau (2017 ) et D’Amour et Oandasan (2005).

Téléchargez le modèle du RCPI (.pdf, 432 Ko).

Concepts clés

Cette unité vous a permis de vous familiariser avec les concepts de la CIP et il importe de retenir les éléments suivants :

  • Il semble bien établi que la CIP soit l’approche à adopter pour répondre aux changements démographiques, à la hausse de problèmes en santé mentale, aux avancées technologiques, etc.
  • La CIP inclut toutes les personnes qui interviennent directement ou indirectement dans les soins offerts, qui adoptent divers comportements et attitudes leur permettant de prendre des décisions concertées pour offrir des soins optimaux.
  • Les avantages de la CIP dépendent du contexte dans lequel les soins sont offerts et du processus de fonctionnement de l’équipe.
  • Les avantages de la CIP se répercutent à divers niveaux : sur la qualité des soins, sur les patients et sur l’équipe de soins.
  • Plusieurs facteurs sont déterminants pour une mise en œuvre efficace de la CIP, notamment la gouvernance des établissements et les politiques gouvernementales.
  • En connaissant les défis liés à la CIP tels que le jargon, la hiérarchie, les valeurs, etc., il est possible pour les équipes de mettre en œuvre des stratégies afin d’y remédier.

Votre cheminement dans l’atelier

Une barre de progression indiquant que l'apprenant a réalisé 10 % de l'atelier

Pour explorer les rouages de la CIP


Continuer vers l’unité 2

Retour au portail?

Voulez-vous retourner au portail du CNFS?