Bernard ne devrait-il pas simplement appliquer les lignes directrices ou les données scientifiques qu’il a trouvées? Quelle serait votre approche avec M. Fortin dans cette situation?
Voyons maintenant comment intégrer les informations à votre décision clinique.
En tant que professionnels, vous êtes appelés à synthétiser et à organiser un grand nombre d’informations qui proviennent de vos études, des nouveaux articles consultés, des conseils reçus par les collègues, des lignes directrices et de votre vaste expérience clinique.
À partir de toutes ces données, vous devez prioriser les données les plus pertinentes en fonction du patient et du contexte dans lequel vous travaillez.
C’est ce processus que nous appelons la pratique factuelle. Rappelez-vous ce schéma présenté en début d’atelier :
En ayant développé vos habiletés pour les étapes 1, 2 et 3, vous avez obtenu les informations pertinentes qui proviennent des écrits scientifiques (bulle située en bas).
L’étape 4 s’attarde maintenant aux autres constituantes de la PFDP qui sont toutes aussi importantes dans le processus de décision clinique.
Afin de prendre une bonne décision clinique, le professionnel doit tenir compte des diverses caractéristiques du patient :
Celles-ci permettront de vérifier si les résultats de la population étudiée peuvent être généralisés de sorte à être applicables au cas clinique spécifique pour lequel on recherche des informations.
Il s’agit donc pour le professionnel d’individualiser son approche, de chercher la meilleure action à poser en fonction de l’unicité de la personne qui requiert les soins.
Le processus décisionnel doit se faire de façon collaborative afin de respecter les droits du patient, mais aussi pour augmenter son engagement envers sa santé.
Le professionnel doit discuter avec le patient des preuves scientifiques qui le concernent dans un langage simple. Il a parfois à clarifier les informations que le patient a lui-même recueillies en consultant l’Internet. Les données scientifiques consultées servent donc à bonifier la discussion qui doit être centrée sur ce que le patient valorise et vit comme enjeux.
L’expertise du professionnel est un autre élément clé de la PFDP.
Tout d’abord, plusieurs interventions n’ont pas nécessairement été explorées de façon exhaustive dans les recherches et n’offrent pas de réponses claires quant aux meilleures pratiques à adopter.
Le bagage de connaissances, les compétences et les expériences du professionnel serviront alors de preuves pour faciliter le processus de décision clinique.
Ensuite, la plupart des études portent sur une condition précise et excluent souvent des patients qui présentent des comorbidités, alors que vous devez aussi intervenir auprès de patients qui ont des conditions multiples.
Enfin, il se peut que plusieurs preuves scientifiques soient disponibles sur la condition du patient. L’expertise du professionnel sera alors essentielle pour bien choisir celles qui pourront s’appliquer à son patient. Glissez votre souris sur les images afin de voir comment son jugement clinique lui permettra d’intégrer :
Le professionnel a aussi l’obligation d’exercer en toute sécurité, de manière compétente et respectueuse de l’éthique. Les preuves scientifiques ne peuvent pas et ne doivent pas être utilisées à elles seules pour prendre une décision clinique.
Certaines interventions prouvées efficaces pourraient exiger du professionnel des habiletés qu’il ne possède pas encore. Il n’est donc pas toujours possible d’appliquer les résultats de la recherche.
Enfin, le professionnel devra aussi évaluer si les ressources du milieu permettent de mettre en place l’intervention jugée la plus pertinente. Par exemple, les coûts engendrés par l’application d’une nouvelle intervention peuvent être trop importants ou les équipements suggérés peuvent être inaccessibles.
Une méthode, connue sous le nom de résumé d’évaluation critique (en anglais CATS : critically appraised topics), est utile pour :
Cette démarche a d’abord été développée par l’Université McMaster, mais plusieurs formats de résumé d’évaluation critique existent de nos jours. Elle consiste à rédiger un document d’une à deux pages résumant votre recherche, les résultats de l’étude sélectionnée ainsi que votre analyse critique de celle-ci. Ainsi vous n’avez pas à recommencer une recherche que vous avez déjà effectuée!
Les éléments ci-dessous peuvent faire partie d’un tel résumé :
Consultez ce gabarit : Résumé d’évaluation critique
(Critically Appraised Topic)
Ce gabarit suggère des catégories pour vous aider à élaborer votre propre gabarit.
Il importe que ce dernier réponde à vos besoins, car vous serez davantage tenté de le consulter.
Le gabarit peut faire état d’une seule recherche ou comprendre le résumé de plusieurs recherches sur le même sujet.
(Critically Appraised Topic)
votre nom
date à laquelle vous lisez l’article
question que vous avez développée à l’étape 1
Dans notre exemple : Est-ce qu’un programme d’exercices en groupe serait plus efficace qu’un programme d’éducation pour réduire les chutes chez les personnes âgées de plus de 65 ans vivant à domicile?
date à laquelle l’article a été publié
Dans notre exemple : mars 2004
auteur, revue scientifique, volume, pages
Dans notre exemple : Chang, J.T., Morton S.C., Rubenstein, L.Z., Mojica, W.A., Maglione, M., Suttorp, M.J., Roth, E.A. et Shekelle, P.G. (2004). Interventions for the prevention of falls in older adults: systematic review and meta-analysis of randomised clinical trials, British Medical Journal, 328, 1-7.
PUBMED
Dans notre exemple : revue systématique
Dans notre exemple : les recherches incluses dans cette revue devaient : avoir des participants âgés de 60 ans et plus, être des essais contrôlés randomisés, mettre l’accent sur les programmes de prévention des chutes, avoir un groupe contrôle standard.
souvent noté sous les critères d’inclusion
Dans notre exemple : les auteurs ont exclu les articles dont la période excédait les années à l’étude (1992-2002).
si un gabarit a été utilisé pour analyser l’article, simplement écrire que vous avez joint le gabarit PICO ou le gabarit spécifique de l’étude. Si vous n’avez pas le temps d’effectuer une critique complète, vous pouvez résumer en une phrase la qualité de l’étude.
Un programme multifactoriel composé d’exercices, d’éducation et de modification de l’environnement est très efficace pour réduire le nombre de chutes chez les personnes âgées de 70 ans et plus qui ont déjà fait une chute.
Un programme composé uniquement d’exercices est considéré efficace, tandis qu’il n’y a pas de preuves démontrant qu’un programme d’éducation ou d’intervention sur l’environnement utilisé sans autre intervention est efficace.
Dans notre exemple : nous savons que nous devons enseigner un programme d’exercices jumelé à des conseils et à l’adaptation de l’environnement pour diminuer le nombre de chutes chez les personnes âgées de 70 ans et plus.
Vous pouvez ajouter n’importe quel commentaire que vous jugez pertinent et qui vous aidera à savoir si les résultats de cette étude sont applicables ou non à votre cas clinique.
Dans notre exemple : puisque les articles inclus dans cette revue systématique étaient antérieurs à 2002, il serait pertinent de retourner dans PubMed pour voir s’il y a des mises à jour plus récentes sur ce sujet.
Il est aussi possible de consulter des banques de résumés d’évaluation critique (CATS) élaborées par d’autres professionnels. Visitez ce site : Index of CATS Sheets by Subject .
Ces résumés d’évaluation critique préparés par d’autres peuvent être utiles pour guider votre recherche, mais vous devez demeurer critique quant à leur conclusion. Ne connaissant généralement pas le niveau d’expertise de ceux qui les ont préparés, vous voudrez peut-être revoir les études originales pour vérifier si vous en tirez les mêmes conclusions.
Découvrez les concepts clés qu’il est important de retenir pour être en mesure de bien effectuer l’étape 4 de la PFDP.
N’oubliez pas que le formateur peut répondre à vos questions à tout moment au cours de la formation.
Vous pouvez lui écrire un courriel : bpinet@uottawa.ca
Cliquez sur l’étape 5 pour continuer votre exploration.
Intégrer la pratique factuelle en cinq étapes